L'autre histoire
On s'est aimé longtemps. 23 ans, c'est longtemps.
Et puis y'a eu le bug de l'an 2000.
On a cru que les ordinateurs allaient péter les plombs. Non.
Ca c'était pour faire trouille, pour vendre des pare-feux et des machins inutiles.
Moi, l'an 2000, l'amour que je pensais immortel a commencé à agoniser.
Déjà, il y a eu la tempête. Fin 99 pour ceux qui se souviennent.
Une petite fin du monde, qui laissait entrevoir un futur troublé.
Papa-Maman-Premier-Lancelot-Lili, boulevard Barbès, Paris 18ème, dans leur grand appartement vieux et blanc. Avec les plafonds chantournés art déco, presque pas de meubles, avec la cheminée, le parquet de Hongrie, la trop petite cuisine, la salle deub trop étroite, mais le bonheur et la fête et la joie, et le rire des enfants.
Ca fait terriblement cliché, le rire des enfants. Personnellement, je déteste qu'on mentionne le rire des enfants dans les chansons, ou dans les films. Tant il est évident que le rire des enfants est le son le plus fabuleux qu'on puisse entendre. Ne jamais galvauder le rire des enfants (je prends note de fermer ma gueule à cet égard)
Ce matin là, il a fait jour. Et puis d'un coup, il a fait nuit.
Comme dans les films de SF... le jour s'est levé, normal. Et 5 minutes plus tard, la nuit est tombée. J'ai vu ça de ma fenêtre du boulevard Barbès. J'étais en train de mettre la table du petit dèj pour nous 5, et puis la nuit est tombée.
Comme on approchait l'an 2000, j'ai eu une peur à la con de "Putain c'est la fin du monde ou quoi ?"
J'ai regardé la nuit tomber, avec mon bol et mon paquet de Nescouique à la main, par la fenêtre. J'ai eu très peur.
Le ciel est devenu noir. Un vent délirant s'est mis à souffler.
D'habitude j'aime l'orage. Je trouve ça excitant. Là, non.
On sentait le mal. Je ne sais pas comment dire autrement. Le mal qui se déchaîne. Une vengeance, une punition... un genre de fin du monde, quoi.
A partir de ce moment-là, tout a commencé à merder.
On était heureux avant, hein ! Vraiment heureux.
C'était indécent, ce bonheur.
Chiant, presque, pour les spectateurs. Trop pas possible après tant de temps. Trop pas juste. Depuis 1977 ? Trop... merde, quoi !
En 2000, tout a changé. Tout.