Maudite !
Résultat du jeu à la mormoilneu précédent, qui a sans aucun doute plongé toute la blogochose dans des affres de doute et de méditation (i.e. tout le monde s'en cire la cacahuète).
Il s'agissait de faire une dégustation de pinard à l'aveugle, et simplement de déterminer s'il s'agissait de blanc, de rosé ou de rouge... vous pouvez rigoler, ce n'est pas si facile que ça. Je ne me souviens plus du score de Crazy, mais moi, j'ai gaillardement pris le rosé pour du blanc, Mac a su reconnaître le rouge et le troisième de notre équipe a pris le blanc pour du rosé. C'est affligeant. On peut franchement admirer les œnologues qui d'un coup de palais donnent le nom du nectar, son millésime, et le sobriquet du hamster de la fille du vigneron !
Sur ce, je vous raconterai pourquoi je suis maudite et excommuniée à jamais. N'allez pas croire que mes nombreux péchés sont la cause de mon infortune catholique, ça remonte à loin, j'étais petite et innocente.
J'étais petite, mais déjà très grande pour mon âge. Contrairement à aujourd'hui où je fais très largement plus jeune que mes 38 ans ½, je semblais adolescente alors que je n'étais qu'une enfant.
Mon père était communiste, mais sous la pression de ma famille maternelle, il consentit à me laisser aller au catéchisme.
Je me souviens très bien de ma première leçon. D'entrée, je subis un interrogatoire gestapiste très complet : tes parents vont-ils à la messe ? Et tes grands-parents ? Tout le monde est catho dans ta famille ? Quel est le nom du Saint Père ? Son petit nom ? Le sobriquet du hamster de la fille du vigneron qui fournit le vin de messe ? Etc.
Vient ensuite une projection de diapos qui me laisse pantoise. Clic – montagnes enneigées : c'est notre Seigneur qui a créé ces montagnes. Clic – poissons des mers du sud : c'est notre Seigneur qui a créé tous ces animaux magnifiques. Clic – coucher de soleil à Lamotte-Beuvron : notre Seigneur est le créateur de toutes les beautés de l'univers. Clic – gros thon boutonneux : ah, désolée, c'est ma belle-sœur...
Je marmonne dans ma Ford intérieure et regarde mes voisins béats avec un large doute existentiel. Ils sont complètement cons, ou quoi ? Ils sont jamais allés à l'école ? Et Darwin, c'est de la pommade à verrues ?
Bref, je ferme ma boite à camembert mais n'en pense pas moins.
Le dimanche suivant, j'assiste à ma première messe. Je me colle à côté d'une grande seringue d'une quinzaine d'années et je fais tout pareil qu'elle, je me lève, je m'agenouille, je m'assied, tout pareil... Elle me demande « Tu vas communier ? ». « Banco ! », lui bob réponds-je. Je lui file le train dans la queue des communiants, regarde bien comment elle avale le machin, copie-colle et retourne à ma place avec l'air contrit et rêveur de tous ceux qui viennent de se gougoufiner un bout de Jésus.
Fin des réjouissances... ite missa est. Je suis assez fièrote, j'ai l'impression d'avoir passé l'épreuve sans commettre le moindre impair.
Grande seringue, qui semble vouloir être ma copine, me demande, l'air sucré. « Tu l'as faite quand, ta première communion ? ».
« Ben pas encore, je viens juste de commencer le caté ! »
Grande seringue semble se vider de son sang, elle est pâle, ses yeux s'écarquillent et papillonnent. Je sens poindre le nervous break down.
« Mais c'est horrrrible ! Tu as communié ! Tu as péché ! Je vais le dire à Monsieur le curé ! Tu seras punie, tu vas le payer cher, tu vas être maudite... »
Paniquée, je me sauve en courant. Je rentre à la maison, tremblante mais déterminée. « Je vous préviens, j'irai plus à la messe, j'irai plus au catéchisme, je veux plus en entendre parler, c'est nul, d'abord j'y crois pas et c'est tous des nases ! »
Joie de mon père, indifférence de ma mère, désespoir de mes grands-parents.
Pendant des mois, j'ai fait des cauchemars, je rôtissais en enfer sous le regard pincé de Grande Seringue et de la belle-soeur boutonneuse de Mme Caté. Ca m'a passé. Même plus peur !