Les yeux jaunes des crocodiles
Qu’est-ce que ça raconte, ce navet ?
Alors attention, il s’agit d’un navet feuillu, de type qui se trouve dans les librairies. Et très feuillu qui plus est, 600 pages et quelques, elle s’est pas foutu de notre gueule, la Pancol.
Mais ça me faiche de créer encore une nouvelle rubrique pour les bouquins, c’est déjà assez le souk sur ce blog.
Alors voilà. La mère Jojo est au bord du gaz. Son mec s’est cassé avec une manucure pour élever des sauriens. C’est original. Il aurait pu prendre la tangente avec une coiffeuse pour défriser des moutons en Mongolie, y’aurait eu comme une logique, mais non. Manucure et caïmans. C’est son choix, et qui sommes-nous pour le critiquer !
La première scène est poignante. Jojo se charcute la pogne en épluchant des patates et pense à la mort. Là encore, je dis bravo, c’est velu. Le suicide à l’épluche-légumes, ça se démarque nettement du vulgaire. Elle est imaginative, la Pancol. Elle aurait pu tomber dans la facilité : hara kiri à la fourchette à huître, asphyxie à la ventouse à chiottes, noyade dans un bidet… mais non. Econome et tubercules. Chapeau !
Autre bizarrerie, Jojo habite Courbevoie. Tout de suite, on s’identifie. Moi surtout d’ailleurs, comme toutes celles qui ont le bonheur de vivre dans cette riante cité. Nonobstant, je ne l’ai jamais croisée chez Casino, Jojo, ni à la pistoche. L’une de ses filles trouve Courbevoie ringard. Je m’insurge. La Garenne Bezons, oui, c’est très commun, Levallois, c’est surfait, mais Courbevoie, c’est le bled de naissance d’Arletty, ça tape tout de suite une classe plus haut.
Je ne vais pas raconter tout le bouquin, je n’en suis qu’à la moitié. Ca se lit très bien, comme Votre Beauté ou Gala chez le coiffeur. C’est parsemé de vérités et d’adages touchants, genre « le bonheur ce n’est pas un seul gros truc tout seul, mais des tas de petits moments à grappiller », sans dec !
Les personnages sont bien décrits avec des mots, et parfaitement à leur place : la bourge malheureuse malgré son pognon, la secrétaire qui s’envoie le patron, la mère d’œuf courageuse contre l’adversité, la lolita fashion hyper gonflante… poussez pas, y’en aura pour tout le monde.
C’est ce que j’appellerais un pur roman de gonzesse. Oui, je sais, je suis une gonzesse. Attends, je vérifie… oui.
C’est pas une totale bouse non plus, mais ça fait pas pipi loin (oui, les filles ne font jamais pipi loin).
Devant le succès phénoménal, paraît qu’elle en a sorti un autre dans le même style, la Pancol, avec un titre à coucher dehors tout pareil. Je ne me souviens plus… La narine frémissante du mérou ? L’anus mordoré des wapitis ? Le gland mauve de l’antilope ?
Ce sera sans moi, son prochain opus, je le laisse au bestiaire.
PS. Louise, je t’aime. Ce billet n’est en aucun cas destiné à te vexer…