La journée de la sole
Je ne suis pas configurée pour le froid.
C'est catastrophique dès que le mercure nous flirte sous les jupes de zéro.
J'ai la peau qui se déssèche, mon nez est bleu, mes joues sont mauves, mes doigts de mains sont blanchâtres et j'ongle (enfin, je me chope l'onglée), ceux des pieds menacent de tomber en désuétude au fond de mes bottes, malgré les couches de chaussettes. Une horreur.
C'est pourquoi ce matin, quand le réveil a sonné, ou plutôt que ma fille a ouvert à la volée la porte de ma piaule en hurlant "Huit heures !", je navet qu'une envie, me recroqueviller façon foetus sous ma couette en suçant mon pouce et rester dans le cocon moelleux et délicieusement chaud qu'est mon plumard.
Mais si je ne travaillais pas ce matin, il me fallait toutefois affronter les éléments déchaînés pour aller rue Fénelon, où l'on me teint les poils craniens, les lave, les masse, les coupe et les brushe pour la somme modique de 21 euros tout compris. Chaque mois.
J'ai donc revêtu ma tenue de combat, manteau en fourrure SPA (aucun animal n'a souffert pour la confection de ce vêtement), mitaines-mouffles en laine synthétique, chapeau qu'il est pas sur la photo mais que c'est moi qui l'a fait et bouquin actuel : la suite (et fin, je l'espère) de la chronique drôlatique et tragique du règne de Nicolas 1er (et dernier, je l'espère).
Je suis encore tombée sur une forcenée qui a tenté lors du massage post champouin de me réouvrir la fontanelle, pourtant fermée depuis quelques décennies. Elle m'a brûlée, tiré les veuches à chaque coup de brosse, et proposé un choix de magazines que l'intelligence réprouve, dont un truc pour mecs.
"Ah, non, c'est pour les monsieur, ça, je m'escuse..."
"Non, laissez donc, ça me changera de perspective !"
Optimum, ça s'appelle. C'est fashion, léger, loin du théâtre de la guerre économique et sociale que nous vivons, mais bon.
Y'avait une interview de Gaspard Proust, le comédien qui tient le rôle principal dans le film de Beigbeder que j'ai vu hier avec ma fille.
Me restera de cette journée, à part une peau en désuétude à cause du froid, un look Jeanne d'Arc et une réouverture de fontanelle à cause de la pouffe Fénelon, une phrase qui m'a fait marrer :
"Le bruit de la relation sexuelle évoque l'assassinat d'une sole avec une tong"
J'ai ri, malgré ma douleur, mes brûlures, ma vie pro qui part à vélo...