La déception du Pacifique
Jean-Patrick Chassignoux, ressortissant de Caen au physique avantageux - voire bocageux, voulait changer de vie et quitter Marbella où il menait une carrière humide et saisonnière de plongeur au "El Diablo", restaurant chic fréquenté par la crème des touristes.
Enfin la crème, les plus friqués, quoi.
Un jour qu'il fumait un joint à la sortie des cuisines pendant l'une de ses brèves pauses, il fut rejoint par une cliente américaine passablement imbibée qui lui demanda direct une latte de son bédo.
Jean-Patrick vit dans ce geste un signe du destin.
- Hello, mademoiselle, ouate is your nème, you are charmante !
- Pamela Christen-Jones... Woooooh but you're such a big boy. I love it !
Je vous la fais courte, surtout que je cause pas une broque d'espagnol, ce qui n'a rien à voir puisqu'ils s'exprimaient tous deux dans un sabir franglais approximatif.
Jean-Patrick fit jouer à donf son charme du terroir, sa came ibère de Normandie, et Pam et lui finirent la nuit dans la suite d'icelle, au Majestico Palace, le plus bel établissement de Marbella Playa.
Jean-Pat' sortit le grand jeu et son impressionnant service trois pièces, qui laissa Pamela Christen-Jones dans un état d'hébétude amoureuse qu'elle n'avait encore jamais connu.
- Alors... happy ?
- Rhhhaaaa lovely !
- Say me ouère douyou crèche in zétazes ?
- I live in San Francisco, darling, the most gorgeous bay in the world ! Come with me, I love you already !
- If you insiste, ma grosse !
Ainsi fut fait et la richissime Pamela emmena le Normand dans ses impressionnants bagages.
Jean-Pat' fantasmait la West Coast américaine depuis longtemps. Filles somptueuses, Hollywood, paysages bigueur zane laïfe, et cette baie de San Francisco, il se l'imaginait couverte d'écume, comme un océan de champagne.
Quand ils arrivèrent, la brume couronnait le Golden Gate, Sausalito était noyée dans une fumée blanche, au loin.
Jean-Pat', il faut bien le dire, était fort déçu. C'est pour ça qu'il s'était tapé ce tromblon ! Merdalor.
Ronchon, il lui dit :
La baie mousse pas, Pam !!!
C'est de saison, non ?