Caen, dira-t-on.
Monique Choupat, 20 ans, est une parfaite oie blanche quand elle fait la connaissance, à un arrêt de bus, de Jérôme Loron.
Sceptiques de l'amour, agnostiques du coup de foudre, constipés de la passion, rétifs à la brouette bantoue, quittez ces lignes à l'instant, vous seriez si violemment contredits par les faits ici narrés que vous n'auriez de cesse de vous claquemurer dans votre aigre solitude pour ruminer tout ce que vous avez raté dans la vie, faute d'y croire.
Nous sommes à Caen, en 2012, il pleut comme bovin qui urine à l'arrêt du 145. Pourtant, pour Monique et Jérôme, le ciel se déchire. Des angelots dodus bandent leurs arcs et décochent leurs flèches vers ces coeurs purs qu'un simple regard a enflammé.
Jéjé, très bel homme malgré sa petite taille et son tarbouif proéminent, sent monter en lui la puissante sève d'un tsunami sentimental et séminal, à la vue de Momone, tendre souris au poil rare et aux yeux pers, racornie sous son parapluie dont trois baleines récalcitrantes dessinent des angles éclectiques.
Jérôme passe immédiatement à l'attaque. Il sait dans son âme, il sent dans ses fibres, il bourgeonne dans son slip que ce petit oiseau fragile, cet être modeste et délicat n'est autre que la femme de tout le reste de son existence.
Là, à l'arrêt "Cité des fleurs fleuries" du 145, à Caen (Calvados), il tombe à genoux dans une flaque huileuse et demande sa main à Momone. Aussi sec ! Mais aussi mouillé, du coup.
A compter de cet instant, les évènements s'accélèrent.
Sidération commune - envolées ventrales de papillons, chanterelles et enclumes - premier baiser roucoulant - présentations des belledoches et bodoches - fiançailles - bagouze - choix du traiteur - robe meringuée - larmes à l'église - signature à la mairie - danse des canards - nuit de noce dans la suite maritale de l'hôtel Ibis.
Et là, c'est le drame.
Momone est impénétrable.
Jéjé qui a tout de même un peu d'expérience puisqu'il a été berger dans les Pyrénées l'été précédent, essaye tout et son contraire, lubrifiants, lecture des poèmes érotiques de François Valérie, visionnage de "La vie secrète et sexuelle de Sim", poses plastiques avec et sans slobard... rien n'y fait, il finit par se la coller sur l'oreille.
Momone n'y peut rien. Ca la rend triste. Ca le rend fou.
Faisant fi de toute pudeur, oubliant la discrétion bienséante qui est l'apanage du normand taiseux, il fonce à France Bleue Calvados et brame sa douleur sur les ondes, il accorde des interviews à la pelle pour exprimer son désarroi dans la presse locale : Calva Matin, Cancans de Caen, Brie-vent-de-Caen, 30 millions d'amis, Caen Pubique...
La région entière s'émeut et se passionne pour cette tragédie anatomique et amoureuse, qui arrive un jour aux oreilles du Docteur Derrière, vaginovairologue, dont le cabinet médical est principalement réputé pour avoir été entièrement redécoré par Vanessa Damidot, la cousine de la grosse, à la télé.
Rendez-vous est pris avec Momone et Jéjé.
Les journalistes à l'affût rôdent autour du cabinet, guettant la sortie du couple, le regard fiévreux, la bave aux lèvres et le rictus de hyène (ah, les journalistes... ils font un joli métier !)
La porte de Derrière s'ouvre enfin sur nos amoureux contrariés.
Leur mine réjouie et la démarche chancelante de Momone attestent du succés formidable de l'habile Docteur.
Le soir-même, Calva Tard titre :
Caen : L'époux Loron dedans !!!