Ingénieuse du son - Jicky
J'ai envie de vous parler de Titine.
Titine c'est une ingénieuse du son. Je bosse avec elle deux ou trois fois par mois. Et j'aime bien Titine. Comme tous les ingénieurs du son avec qui je travaille, d'ailleurs, mais elle c'est une fille, et une spéciale.
Oui mais vous me direz qu'avec Jicky, ingénieuse du son aussi, c'était moyen. C'est pas que je l'aimais pas, bien au contraire, mais elle me faisait pitié un peu et chier beaucoup.
Imaginez une gonzesse d'une trente-cinquaine d'années à qui vous donnez 50 ou 26 ans, suivant les jours, tellement qu'elle ressemble à sa mère en plus jeune.
Un peu petite et rondouillarde, très blafarde avec des yeux très pâles et une coiffure de playmobil tendance Mireille Mathieu dans la coupe. Des pantalons en Tergal feu de plancher sur mocassins à glands achetés chez Machin, le seul chausseur qui lui va, vu qu'elle a le pied pratiquement aussi large que long. Le pull qui tue : bleu layette avec un cheval ocre cabré sur le devant et une devise brodée derrière, du style « le cheval est mon ami », ou dans le genre.
Bon, tout ça n'est pas très rock'n'roll, mais c'est pas grave, tous les goûts sont dans la nature et tant va la cruche à l'eau qu'elle châtie un tien vaut mieux !
Le pire avec Jicky, c'était le discours. Les envolées lyriques hululées d'une voix aigrelette pendant des plombes sur des sujets tellement bateaux que j'en choppais le mal de mer.
J'avais à l'époque un contrat avec EDF. Je faisais la voix qui vous confirme que vous êtes en panne quand vous téléphonez, paniqué, pour signaler que vous êtes en panne. On se sent utile !
Mais le truc, c'est que je précisais à chaque fois où se situait la panne, l'endroit précis, et ça pour TOUTE LA FRANCE !
Evidemment, tout ceci était pré-enregistré et j'ai bossé pratiquement 4 ans sur ce truc, à enfiler des adresses, des lieux-dits, des zones industrielles du Béarn à la Savoie en passant par la Lorraine.
Je débitais mes adresses, pratiquement en état d'hypnose, pendant une heure, et je prenais une pause de dix minutes histoire de pas mourir à la tâche.
Et Jicky, fraiche et pimpante, embrayait immédiatement, me narrant par le menu son samedi soir, qu'elle avait passé à faire un super Sudoku en écoutant tomber la pluie. Sa sortie en boîte avec les potes de son cours de macramé, que comment qu'elle s'était faite draguer à 5 heures du matin par un mec complètement bourré qui s'était viandé dans la porte en sortant. Le cadeau qu'elle préparait pour son neveu : un tee shirt peint de sa main représentant un lac de montagne avec, en arrière-plan, une montagne.
Au bout de 5 minutes, j'étais tellement au bord du gaz que je demandais à reprendre l'EDF.
Je la croise encore de temps en temps, elle a changé de studio (les collègues n'en pouvaient plus). Elle est adorable avec moi et j'ai une tendresse coupable pour elle, malgré tout.
Je me rappelle lui avoir offert un énorme bouquet pour ses 30 ans, et sa mine déconfite devant mon cadeau. Elle est totalement allergique à toutes les fleurs. Bingo !
Bon, mais merde, à parler de Jicky, je ne vous ai rien dit sur Titine !
Ce sera pour la prochaine fois.
Bien sûr, le film préféré de Jicky... Oh my God !