Accouche !!!
On me voiture jusqu'à la salle de travail et j'abandonne Primipare dont le visage semble empreint d'un doute existentiel, soudain.
Maman est à mes côtés, au comble de l'hystérie. Elle me pulvérise de la flotte dans l'oeil, m'agrippe la main comme si je tombais d'un toit : « Respire, ma poupée, respire ! »
Je n'aurais pas mieux à faire, je lui demanderais aimablement de la fermer un bon coup pour qu'elle me lâche la grappe. Je n'ai pas de temps à perdre à la rassurer, j'ai un nain à pondre, moi...
Je tente de me concentrer sur le boulot et tout arrive très vite. 5 minutes chrono et Lili est née.
Je suis un peu inquiète en voyant la tronche du corps médical à l'entrée en scène de ma fille. Ca chuchote, ça se coule des regards en biais...
On me donne enfin mon bébé. Un sumo ! Elle a les joues posées sur les épaules, elle est ronde et rose. 53 cms, 4,6kgs. Elle était si fort tassée dans mon ventre qu'elle prendra 2 cms dans la journée !
Ma mère est épuisée. On dirait presque que c'est elle qui vient de pondre.
Elle se tasse sur une chaise à côté de moi pendant qu'on prépare Lili, se met soudain à me raconter ma propre naissance et à me faire des révélations intimes et bien sagement tues jusque là, elle qui est la reine du non-dit. J'en apprendrai plus sur son compte pendant ces dix minutes que pendant tout le reste de son existence. Je suis vraiment fatiguée maintenant, autant physiquement que psychologiquement avec les histoires qu'elle m'a dévoilé et qu'il me faut digérer.
Je la renvoie gentiment à la maison, elle part, enfin.
En attendant de m'attribuer une chambre, on me recolle dans la salle d'attente, où les mêmes baleines s'entraînent à la respiration.
Primipare est toujours là, en grande conversation polémique avec son caméramâle, entre deux contractions.
J'ai l'impression d'avoir fichu une sacrée zone.
. Dis-le, si tu n'as pas envie de faire le film, je ne te force pas, hein !
. Mais ma chérie, je croyais que tu y tenais ! Tu disais que c'est un moment si exceptionnel qu'il faut en garder un souvenir tangible...
J'imagine les projections avec les aminches, après la tartiflette et la mousse aux deux chocos, le samedi soir.
De riantes soirées en perspective ! Madame commentera profusément, fière de montrer à tous son entre-jambes torturée, et Monsieur ira discrètement prendre l'air sur le balcon avec un double Guignolet-Kirch pour tenter de faire passer le malaise...
Je m'en tape, c'est leurs oignons. Moi, j'ai mon mini sumo qui dort près de moi dans son berceau en plastoc. Je suis heureuse.
Transférée dans une jolie chambre, j'ai à peine le temps de m'installer que le téléphone sonne.
C'est Maman, totalement paniquée.