Bip Bip sans le coyotte
. Ah, quand même !
. Bonjour Papa !
. J’ai essayé de t’appeler dix fois cette semaine, aucune réponse. Je me suis dit : et ben voilà, ils ont déménagé, ils m’ont rien dit !
. Déménagé ??? Bien sûr que non !
. Et pourquoi pas ? Puisque tu as un mec, maintenant. Je me suis dit, elle est partie vivre avec, et elle m’a rien dit.
. Mais pas du tout. J’ai juste eu des problèmes de téléphone, à cause du modem, et…
. Tu votes Bayrou, maintenant ? Qu’est-ce qu’il vient foutre dans tes problèmes de téléphone, ce neuneu ? Tu me racontes des salades, ou quoi ? Qui c’est ton opérateur, d’abord ?
. Neuf.
. Ben voilà ! T’avais qu’à rester chez France Telecom, c’est bien fait pour tes pieds !
. Grrr… autrement, ça va Papa ?
. Je m’emmerde.
. Aimée (sa fiancée) n’est pas là ?
. Non, elle est partie à Toulouse voir ses enfants. 15 jours ! Y’a pas à dire, une bonne femme, ça occupe, quand même…
. Toujours follement romantique, à ce que je vois !
. Oh ça va ! Je l’aime bien quand même. C’est pas ta mère, mais c’est une fille bien.
. Oui, je sais. Je suis contente qu’elle soit avec toi.
. Mmmm… et alors, c’est quand que tu me le présentes, ton bonhomme ? Il a quel âge, d’abord ?
. 58
. Bon, ça va. Tu fais plus les sorties d’école, y’a du progrès.
. Grrr…
. Il est pas de droite, au moins ?
. Non, pas d’inquiétude.
. J’aime mieux ça. Il est pas au Modem non plus, hein ? Parce qu’alors là…
. Mais non !
. Bon, allez, salut. CLIC. BIP BIP BIP…
Les conversations avec mon père ont toujours une fin rapide, inattendue et brutale. Je me retrouve comme une andouille, le combiné à la main, la bouche déjà ouverte pour la phrase suivante, qui reste en suspens puisque mon interlocuteur a raccroché, pressé par des obligations urgentes : nourrir les chats, promener le gros clébard qui pue, cueillir des asperges ou maudire François Bayrou.