Fantasia chez les Ploucs - 3
Je me désincruste du bolide à grand peine. On est à la limite de la vaseline et des forceps.
Mc Adam me regarde et sourit.
Trois mouettes tombent du ciel, foudroyées. C’est un danger public, ce mec !
Ma contenance retrouvée, je claudique, le dos en compote, sur les pas de mon hôte.
Il ferraille avec l’énorme serrure, ouvre la porte et me prie d’entrer.
« Passez devant, très chère. On laisse toujours les femmes entrer les premières, au cas où il y aurait une rixe, ce sont elles qui se prennent les premiers bourre-pifs ! »
Charmant !
A peine ai-je passé l’huis que je me reçois une énorme baffe sur le groin, suivie d’un coup de rouleau à pâtisserie entre les deux yeux. Je m’enfuis en glapissant, poursuivie par le monstre frappeur : une bretonne mafflue en costume tradi, la coiffe de travers, les babines retroussées sur 3 chicots vengeurs qui éructe des imprécations breizhées incompréhensibles.
« Couchée, Mam Goz, couchée ! », intervient, enfin, Mc Adam.
La bonbonne à cidre se calme un chouillat, ses cris se changent en râles, elle essuie la bave écumante qui mousse à ses lèvres d’un revers de battoir.
Je reste figée, tremblotante, derrière la baratte à beurre géante que j’ai prise pour bouclier.
Bonjour l’accueil ! Vive la Bretagne ! J’aurais mieux fait d’écouter les copines et de rester à Pantruche.
Le parigot enragé, je maîtrise parfaitement, la crêpière contondante, beaucoup moins.
Je sens poindre sur mon front délicieux l’amorce d’un œuf de pigeon défigurant et douloureux.
Moi qui hésitait depuis des semaines : vais-je ou non rejoindre la cohorte des putes à franges ? Une bonne chose de faite, ma décision est prise.
Mes guiboles flageolent, je les sens se dérober sous moi… le monde est flou et je glisse doucement par terre avec l’aisance d’un pet sur une toile cirée.
Black out.