Les aventures de Prise de Chou et du Lapin Kougloff - 6
Le mail est déroutant.
Il dit être sous le choc de notre soirée d’hier, n’avoir pu l’exprimer en me raccompagnant (le choc rend muet, aussi sûr que le chocolat rend obèse), me propose de venir carillonner à son huis chaque fois que la moindre pulsion libidineuse me montera au cervelas et qu’il serait assez chouettard d’ailleurs que ce genre d’idée me saisisse dans les plus brefs délais.
Traduction pour les mal-lisants : t’es un bon coup, on remet ça quand tu veux.
J’en reste comme deux ronds de flan.
Me voilà bombardée Queen Duku !
Flapie et hagarde devant son message, je me repasse le film (X) de la veille, cherchant en vain l’extraordinaire, l’exotique… point de périlleuse brouette bantoue, de tournevis sénégalais en apnée, de folichonnerie balinaise !
Rien que du classique de bon ton, estampillé NF*. Figures libres exécutées avec enthousiasme, certes, mais je suis généralement enthousiaste quand mon partenaire est enthousiasmant.
Ah oui, quand même. Je me souviens d’un moment où le Lapin est allé fermer la porte de la chambre qui donne sur le jardin sur le toit en déclarant : « Je n’ai pas envie que les voisins viennent me féliciter demain matin ! ».
Oh noooon… damned... c’est ça !
La bande son.
Déformation professionnelle de causeuse tarifiée, peut-être, j’ai tendance à exprimer haut et fort mes joies de couette et mes satisfactions charnelles.
Merdalor. Je rougis rien que d’y penser ! La pauvre tortue jardinière a dû se recroqueviller de honte dans sa carapace, les pattes enfoncées jusqu’aux coudes dans les esgourdes pour ne plus entendre mes débordements, ou alors, ça a pu lui donner des idées.
Ca daube, je baisse la tête, je bats ma coulpe, je mettrai un bâillon la prochaine fois, promis, juré, craché (non, pas craché, c’est dégueu).
Toutefois, toute honte bue, décidant bravement d’assumer ses mœurs étranges et arborant fièrement son embarrassante couronne, Queen Duku rappelle Lapin et lui dit que, justement, ce soir…
La deuxième soirée confirme la première. Entre deux tsunamis sensuels, on fait de petits pas l’un vers l’autre, on se dévoile un peu.
Lapin me ramène en moto cette fois, et nous convenons de nous revoir dans le courant de la semaine suivante.
Je suis ravie (et pas seulement au lit). Ce type me plaît, et de plus en plus. Chaque nouvelle découverte à son sujet est une agréable surprise. Toutefois, je m’étonne de ne pas ressentir le moindre frémissement d’aile de papillon ventral, la moindre tachycardie annonciatrice de déferlante sentimentale.
Aurais-je perdu ma capacité à tomber amoureuse ?
Il est peut-être trop tôt encore, mon cœur est racorni et vieux, je ne sais pas, on verra… mais c’est bien.
Deux jours plus tard, je m’aperçois que quelque chose cloche, cloche très dur, même.
*NF : Normal Fuck