Ta mère en tongs à la télé - le casting
Le principe de l’émission est simple, changer en un jour un cageot moyen en déesse de l’amûûûr. L’effet cendrillon cathodique.
Je me suis documentée. J’ai branché ma télé samedi à midi et j’ai regardé avec attention.
La cendrillon du jour était une quarantenaire timide et effacée qui se cachait dans des fringues de récup. Vieux pulls, T-shirts et pantalons du fils aîné, c’est elle qui finissait les restes. Intervention divine de la bonne fée du look, une mignonne à la vingtaine radieuse, qui cause mode comme si elle avait inventé la jarretelle ou la raie au milieu (je parle de cheveux, là). Pas l’air idiote du tout, la demoiselle, mais le ton inimitable de celles qui font dans le chiffon : moult « ma chérie », « tu es magnifique », « c’est sublime », « j’adooooore », et tutti conneries. Elle lui colle un futal beige, une veste lambda, un sac en plastoc et 5 colliers. Bon. C’est mieux que si c’était pire. Puis entrent en scène le coiffeur (joli travail), le maquilleur (beau boulot)… Cendrillon, pomponnée à donf, se présente devant son époux, un beauf répugnant qui lui sort pour tout compliment que ouais, ok alors, dans ces conditions, il veut bien faire un effort et la supporter encore une dizaine d’années. Un coup à faire flipper le dauphin. A sa place, je lui aurais balancé un bourre-pif et j’aurais envoyé Raoul jouer aux billes sur l’autoroute.
Mais là, tout de suite, c’est moi qui suis dans le fauteuil de l’aspirante Cendrillon avec un projo en pleine poire.
Les casteuses blondies sont charmantes et souriantes, mais elles connaissent leur boulot. Elles sont payées pour dénicher le bon client qui va faire de l’audience, pleurer ou rire dans les chaumières.
Je n’ai pas envie de jouer les tire-larmes, on va faire dans la comédie.
Ca tourne. Elles me bombardent de questions : pourquoi voulez-vous faire l’émission, qu’est-ce qui ne va pas dans votre look, c’est votre entourage qui vous a conseillé de faire quelque chose, vous avez des complexes, qu’est-ce que vous refuseriez de porter, on peut vous couper les cheveux, vous faites quoi comme boulot, êtes-vous en rivalité avec votre fille, vous cherchez un nouveau mec, et gnagnagna, et gnagnagna…
Une demi-heure à balancer du faux et un brin de vrai pour rendre l’affaire plausible.
Ca se passe pas mal, l’ambiance est détendue. Je mets simplement un énorme stop sur l’affaire du divorce, je sens qu’elles cherchent un angle, et qu’une cinquantenaire fraîchement divorcée qu’il faudrait équiper pour la chasse au mâle, ça les fait saliver. Ce ne sera pas moi.
On me demande aussi quel style j’aime. Je mentionne Marlène Dietrich, pour le côté je-porte-des-costards-mais-c'est-super-sexélégant.
Les yeux des blondies s’arrondissent. Elles se regardent, gênées…
Les yeux des blondies s’arrondissent. Elles se regardent, gênées…
- Ah oui, la fille qui jouait dans Cabaret l’an dernier ?
- Non, en fait c’est une actrice des années 30
- Elle a pas joué dans le Grand Bleu ?
- Euh, non, l’Ange Bleu.
- Ah, je vois pas.
- Pas grave.
Punaise, je suis encore plus antique que je ne le pensais.
Bon, fin de l’interrogatoire, on se secoue la pince avec de grands sourires. J’ai l’impression (vanité ?) qu’elles me trouvent sympathique, et moi aussi finalement. Comme quoi !
- C’est pas nous qui choisissons. On va envoyer la cassette à M6, et ils vous contacteront si vous êtes retenue. En gros, s’ils ne vous appellent pas dans les 3 semaines, ça veut dire que c’est mort. Mais faudra pas le prendre mal, hein !
- Pas de souci les filles, ça ne changera pas le cours de ma vie…
Le lendemain matin, M6 m’appelle. Tournage dans 15 jours. C’est parti.
