Like a virgin, hi !

J’ai failli m’éborgner ce matin.
J’étais dans la salle de bain en train d’appliquer laborieusement du mascara, celui qui est censé vous donner les cils immenses et épais d’une princesse Moldave, mais qui vous colle les poils des yeux en paquet de 10, en bavant bien tout autour. Même que je suis obligée de me récurer féroce la paupière au coton-tige après, pour ne pas ressembler à une qu’a pris un taquet cambouis par un soutier crado.
Ma douce fillette de 12 ans s’escrimait quant à elle à introduire ses fesses rebondies dans un pantalon de trois tailles trop exigu.
Elle cesse soudain ses efforts d’insertion, pousse un énorme soupir et me déclare tout à trac :
- Maman, tu sais, j’en ai marre d’être vierge !
Punaise ! Le choc ! Je me suis fiché la brosse à cirage droit dans le globe !
Mon bébé à moi, ma toute petite, ma toute ronde toute roudoudou, toute élastique mou… Mais qu’est-ce qu’elle raconte ? Pas encore ! Pas déjà !
Elle n’a même pas encore de seins (oui je sais, moi non plus… Ca suffit maintenant les remarques désobligeantes), qu’elle songe déjà à se débarrasser de sa virginité.
- Euh, tu as quelqu’un en vue ?
- Pourquoi faire ?
- Et bien tu sais, généralement, il faut être deux minimum pour ce genre d’exercice. Tu es amoureuse d’un garçon ?
- Non, dans ma classe, c’est tous des thons.
Bon, ouf. Au moins ma fille n’envisage pas de rapports contre nature, de type zoophile piscicole. Mais ça nous pend au nez, si tant est que ce soit bien là la place d’un hymen usagé.
Dire qu’il a fallu que j’attende 19 ans pour me délester de ma virginité. Pas précoce, la demoiselle.
Ca, je ne suis jamais passée pour une fille facile, bien au contraire… Les premiers candidats qui ont tenté leur chance sont repartis dépités, la queue entre les jambes – les leurs, pas les miennes.
Ca, je ne suis jamais passée pour une fille facile, bien au contraire… Les premiers candidats qui ont tenté leur chance sont repartis dépités, la queue entre les jambes – les leurs, pas les miennes.
C’est de leur faute, aussi. Jusqu’à 15 ans, j’étais grosse. Grande et grosse. J’avais la grâce ineffable d’un éléphant de mer échoué sur la banquise.
Papa-Maman trouvaient leur fille unique superbe, selon le principe du « vaut mieux faire envie que pitié ». Le problème, c’est que je ne faisais envie à personne. J’errais dans un no-mâle’s land, alors que mes copines soignaient leur acné à grands coups de pelles et que la cour de récré bruissaient d’histoires de cœur et de cul qui me laissaient pantoise et vaguement envieuse.
Papa-Maman trouvaient leur fille unique superbe, selon le principe du « vaut mieux faire envie que pitié ». Le problème, c’est que je ne faisais envie à personne. J’errais dans un no-mâle’s land, alors que mes copines soignaient leur acné à grands coups de pelles et que la cour de récré bruissaient d’histoires de cœur et de cul qui me laissaient pantoise et vaguement envieuse.
J’avais bien deux-trois potes, les lumpen-ados de la classe. Ceux avec les vilaines lunettes, les dents en biais et les tronches de pizza. On se marrait bien dans notre ghetto, en marge de toute cette agitation sexuelle.
Et puis un beau jour, je suis allée consulter un généraliste pour je sais quel bobo. Il m’a examinée, et signalé qu’il me trouvait « en surcharge pondérale ». Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites ! A l’évidence, je le savais déjà. Mais l’once de mépris, voire de dégoût que j’ai lu à ce moment là dans le regard de cet homme a servi de déclic.
J’ai arrêté de manger. J’ai perdu 15 kilos en quelques mois. L’éléphant de mer s’est mué en gazelle (bon ça va, je peux bien me lancer une fleur de temps en temps).
Et voilà-t-y pas que tous ceux pour qui j’étais transparente ont retrouvé la vue.
On voulait m’aider à porter mes affaires, me raccompagner à la maison, m’emmener au cinéma, me payer une glace, un café ? Un Coca ? Une choucroute garnie ? Qu’est-ce qui me ferait plaisir ? J’avais qu’à demander…
Seulement, si j’avais maigri à l’intérieur, j’étais encore obèse dans ma tête. Je ne comprenais pas, j’avais un peu peur. Je restais avec mes copains lumpen qui n’en revenaient pas que je ne les aie pas reniés aussi sec. Et les gars, rougissez pas, c’est moi, vous vous rappelez ?
Mais j’ai fini par piger. Alors – je sais, c’est vil et moche – je me suis vengée. C’était plus amer qu’agréable, mais il y a eu de la viande froide de macho collée sur tous les murs du lycée.
Ils pensaient sans doute que, trop heureuse d’intégrer le troupeau des baisables après cette période d’ostracisme, je serais facile à annexer, à utiliser. Erreur.
J’ai cultivé la diatribe vexante, la vanne qui tue, la remarque mise-à-poil et le verbe châtreur avec délices, mais sans amours ni orgues.
Je les laissais s’approcher, avec un sourire de chatte gourmande, et dès qu’il étaient à portée de griffe, tchac ! Mes lumpen potes, ravis, comptaient les points.
J’ai cultivé la diatribe vexante, la vanne qui tue, la remarque mise-à-poil et le verbe châtreur avec délices, mais sans amours ni orgues.
Je les laissais s’approcher, avec un sourire de chatte gourmande, et dès qu’il étaient à portée de griffe, tchac ! Mes lumpen potes, ravis, comptaient les points.
Je n’en étais pas à faire des encoches sur mon plumard à chaque victime, mais presque.
J’étais mal partie pour entamer une vie sentimentale douce, tendre et romantique…
