Rencontre avec Raoul - Régécolor

Publié le par PRISE DE CHOU

velib.jpgundefinedRendez-vous 20h - Quai de Loire

Pourquoi, et dans quel instant de faiblesse, ai-je donné mon numéro de téléphone à Raoul ?
Sa photo était pourtant peu engageante. Un physique de perfide dans les films de cape et d’épée. Cheveux aux épaules, raie au milieu, moustache, œil torve derrière une paire de lunettes sécu. Bon, d’accord, les lunettes ça fait moins Louis XIII, mais ça n’arrange pas le bonhomme pour autant.
Coup de fil tous les 2 jours, voix pâteuse et monocorde. Je ne réponds plus, j’ai déjà tout refusé. Les flâneries parisiennes, les promenades le long de tout ce qui peut se longer, les visites de tout ce qui peut se visiter. Les descentes aux catacombes, les escalades de Tour Eiffel, les plongées dans les aquariums, les envols dans les clochers… Un aficionado de l’Office de Tourisme, peut-être.
Il est 19h et je cavale le long du Quai de la Loire, je fais une lecture avec ma copine Galette dans une heure, et je ne suis pas en avance…
Mon portable sonne, ce doit être elle, je décroche en hâte. Ben non, tiens, quelle surprise, c’est Raoul !
-         Ah ! Enfin ! Je finissais par croire que tu me fuyais !
-         Mais non, quelle idée !
-         Et bien cette fois, je te tiens, je ne te lâche pas ! Que dirais-tu d’une balade en Vélib à Montmartre ? (Richard Virenque ! Sors de ce corps !)
-         Impossible, Raoul, désolée, mais ce soir je fais une lecture avec une amie.
-         Où ça ? A quelle heure ? J’arrive…
C’est ce qui s’appelle se faire piéger comme une courge ! 
Dudsou, l’auteur, est survolté, il tourne en rond comme un hamster sous amphétamines. Galette, ma co-lectrice, éclate de rire pour un oui pour un non… La nervosité.
Moi ça va, je vérifie une fois de plus que le trac vient avec le talent. J’attends toujours.
La salle se remplit, on commence dans cinq minutes…
Et soudain, le voilà. Raoul le magnifique ! Il a vraiment une tronche à mettre des supports chaussettes. Petit pantalon étroit en vynil expansé, chemisette crado à carreaux, coiffure Cabrel première époque mais bleu nuit de chez Régécolor, binocles en écaille très tendance sous Pompidou.
Il fend la foule et se dirige droit vers moi. De près, il est encore plus séduisant. Au plaisir des yeux s’ajoute une poésie olfactive très personnelle, farandole d’oignons frits, de Brut de Faberger et de mâle senteur. Il a du venir en Vélib à toute blinde, si l’on en croit les larges auréoles qui se dessinent sur sa liquette.
Par gestes, je lui fais comprendre que je ne peux pas lui parler, on va commencer, on se verra après. Qu’il s’installe et qu’il la ferme !
Galette se marre franchement, cette fois… « C’est ton Raoul ? » Il a au moins un effet déstressant, le garçon.
La lecture se déroule sans problème. J’évite simplement de croiser le regard de l’auteur, qui au fond de la salle, se dandine d’un pied sur l’autre en rongeant ses ongles jusqu’au coude, celui du metteur en scène qui roule des yeux furibards en marmonnant, et bien sûr, celui de Raoul, concentré au maximum, droit comme un i, les yeux exorbités et les mâchoires scellées en un rictus indéchiffrable.
 Fin de la lecture, applaudissements. Raoul s’auto-éjecte de son siège et slalome entre les spectateurs pour m’accoster.
Résignée, je souris benoîtement, attendant, ô vanité, les quelques compliments d’usage.
-         Elle se loue, la salle ?
-         La salle ? Euh, oui, peut-être, je ne sais pas.
-         Elle est pas mal la salle, elle peut contenir combien ?
-         Je ne sais pas.
-         On peut manger dedans ? Les toilettes sont propres ? Y’a quoi au premier étage ? On peut amener une sono ? …
Bon… Ma vanité en prend un petit coup quand même, mais je m’en remettrai très bien. Pendant qu’il pérore, et pose des questions auxquelles je suis bien incapable de répondre, j’ai l’inopportun loisir de détailler ses cheveux. Quand même, faut le faire. Il doit se couper les tifs au couteau de chasse et se shampouiner à la rillette du Mans, c’est pas possible.
De guerre lasse je le dirige vers celle qui pourra satisfaire son insatiable curiosité, et je me mêle aux invités.
10 minutes plus tard, Raoul surgit devant moi, rougeaud et excité.
- Ca va pas être possible, y’a pas de douches ! Bon, j’y vais !
Et hop ! Il disparaît au pas de gymnastique. 
Séduite et abandonnée !
En voilà un qui est parti tout seul faire du Velib sur l’autoroute… Bye bye, Régécolor !

Publié dans RAOUL

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D
Régécolor... dire que je l'ai à peine vu çuilà...<br /> Je ne vais pas faire de mise au point (trop long !), juste 2 rectificatifs :<br /> C'est bizarre d'attendre le trac ; parce que le talent tu l'as, bordel ! (everybody is gifted, but some never open their package)<br /> Je ne me rongeais pas les ongles, je retenais une envie pressante (comment ça je suis pas crédible ?!)
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P
<br /> Mais si, mais si tu es crédible... C'est pour ça donc que tu dansotais d'un pied sur l'autre et que tu avais l'oeil égaré ! Tout s'explique !<br /> <br /> <br />
J
Ce matin dans le "Parisien" : "il saute sur l'A6 et survit miraculeusement " <br /> Aie aie aie , Dam'Nielle , planques toi , les keufs vont te rechercher <br /> C'EST LEQUEL ???????<br /> Les paris sont ouvert .........
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P
Zut... J'ai peur.Remarque, j'en connais d'autres qui prennent l'autoroute tout seul et qui s'y viandent en moto !
A
j'adore , merci de m'avoir fait bien rire ,une amie de JEFF en esperant vous rencontrer .<br /> isa
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P
Ce serait avec plaisir, Isa ! Quand voulvoul !
S
Beurk, il me dégoûte celui-là...suivant!!!
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J
Pô pô pô dit ma fille , ta vie est un incroyable roman en ce moment !!! il va faloir nous mettre ça en scene ..... j'attend avec impatience , mais aussi un peu d'appréhension , l'histoire des boules du pétanqueur ....... Bisous doux Dam'Nielle
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